Méthode tantrique

22/01/2015 17:43

La méthode tantrique, c'est quoi ? Letantrisme, ou la sexualité vécue comme une méditation

« Réduire le
tantrisme à la sexualité serait une aberration », prévient Pierre Feuga,
professeur de yoga et auteur de Tantrisme : doctrine, art, pratique, rituel
(Dangles, 1994). En effet, c'est sur le terreau fertile de l'hindouisme et du
bouddhisme que le tantrisme est apparu en Inde, au VIIe siècle, comme un
courant spirituel complexe. Il propose la prise de conscience de notre unité
fondamentale, du corps et de l'esprit, en relation avec l'univers, à tout
instant et dans toutes les activités de la vie. Ce que Daniel Odier, auteur
notamment de Tantra : initiation d'un Occidental à l'amour absolu
(Pocket, 2002), qui l'a fait connaître en France, définit comme la «
spontanéité de l'extase ».

Cette
approche implique un apprentissage de notre double polarité, masculine et
féminine, et l'acceptation de notre entière réalité, avec ses ombres et ses
lumières. C'est la singularité du tantrisme que de n'être pas une philosophie
du renoncement : « Il n'est plus nécessaire de fuir le corps pour trouver la
paix, souligne Bernard Baudoin, auteur de Tantrisme, une voie de libération
immédiate
(De Vecchi, 2002, épuisé), car le corps lui-même devient un
temple sacré : le lieu de la béatitude. »

La sexualité
est vécue comme une méditation où, grâce à des techniques de respiration et de
relâchement du corps, chacun des partenaires peut ressentir un sentiment
d'unité profonde avec lui-même et avec l'autre. Pour être complet, l'orgasme ne
saurait donc être strictement génital, et les hommes sont incités à l'atteindre
sans éjaculation. Il ne s'agit plus de la maîtriser, mais de parvenir à
l'oublier.


 

 

Il est alors
temps de lever les confusions : la méthode tantrique, ça consiste en quoi ? «
Il s'agit d'apprendre à entrer dans l'érotisme avec la seule énergie du corps,
sans passer par des projections mentales. Sans se faire un film qui transforme
l'autre en objet de sa jouissance. Pourquoi chercher des images extérieures
fictives alors que l'on est face à un partenaire réel ? » Carmen : « C'est
l'expérience de l'unité, avec soi et avec l'autre. Il faut faire remonter
l'énergie génitale dans tout le corps, afin que l'orgasme nous irradie
complètement et ne reste pas bloqué au niveau du bassin. Pour réaliser cette
alchimie entre le bas et le haut, il faut ouvrir chacun de nos chakras, ces
centres d'énergie situés entre le périnée et la fontanelle. »

Soit, mais
comment fait-on ? Exercice : on remet la musique, une sorte de rythme qui va
crescendo, débarrassé de toute mélodie. Jambes écartées et légèrement fléchies,
on ondule du bassin d'avant en arrière. « Il faut sentir l'énergie dans les
testicules  ! ». On ondule, on ondule. On
respire très fort. « Et maintenant, on fait remonter l'énergie ! Dans le ventre
! » Et puis plus haut, dans la poitrine, dans la gorge, dans la tête, plus
vite... C'est dur, les muscles tirent. Un vrai cours de gym.

Les filles
choisissent un partenaire. Onduler à deux, c'est mieux. Mais si les gestes, les
respirations et les râles de l'assemblée ressemblent à ceux d'animaux en rut,
je ne sens pas encore monter en moi cette fameuse énergie. On répète
l'exercice, allongés cette fois. Mêmes mouvements du bassin, un peu moins
fatigants, un peu plus sensuels. Mêmes exhortations « Le scrotum ! On n'oublie
pas le scrotum ! » Je termine lessivé et je me jure de ne jamais plus oublier
mon p... de scrotum.

Echange
d'énergies

L'exercice
suivant est plus soft. Cette fois, il s'agit de communiquer son énergie à sa
partenaire. En position du lotus, face à face, paumes contre paumes, bercés par
le refrain hypnotique d'un mantra soufi. « Ne vous lâchez pas des yeux et
ouvrez votre cœur. Mais ne cherchez pas à séduire. » Message reçu ? Au terme de
l'exercice - quinze minutes de regards intenses -, ma partenaire me dira
qu'elle a senti en moi une forte énergie enfermée dans une carapace en acier.
Pour l'énergie, je ne sais pas, mais pour la carapace, well, elle n'a pas tort.
La séquence suivante doit justement m'aider à desserrer quelques boulons. Car,
maintenant, on entre dans le vif du sujet : massage tantrique pour tous.

Je
te masse, tu me masses

Tout le monde
se déshabille, les deux plus pudiques - dont je suis - ne gardent qu'un paréo.
Même Jane, qui avait cru venir à une simple conférence sur le tantrisme, se
retrouve en string. Quatrième surprise : je découvre que - pour peu qu'on lui
parle gentiment -, n'importe qui peut se mettre à poil et se laisser malaxer
par des mains inconnues. Deux participants s'occupent d'un troisième. J'ai
droit au savoir-faire de Carmen et d'une jeune prof de yoga. Carmen explique
qu'il faut considérer toutes les parties du corps avec la même neutralité. «
Caresser un orteil ou un pénis, c'est pareil, si on n'y met pas de fantasme. »
Même le scrotum ? « Tout le corps est sacré, il doit être traité avec respect.
» OK. Allons-y.

Allongé, les
yeux clos, dans une béatitude pleine de soupirs, chacun se laisse aller comme
un bébé au plaisir d'être touché par quatre mains, sans tabou. Et si une
érection s'annonce ? « Pas de problème, c'est la nature. » on nous rappelle
quand même de nous concentrer sur les sensations et de chasser les projections.
Il n'y aura pas d'érection. Et, curieusement, pas de frustration non plus. On
voudrait juste que ça ne s'arrête pas. Entièrement détendu, je comprends enfin
à quelles sensations cette expérience me renvoie.

A celles que
nous avons tous connues un après-midi d'été quand, pour échapper à la chaleur,
on s'allonge mollement, nu, dans l'ombre d'une chambre. On peut avoir des
sensation forte, certes, mais sans chercher à précipiter l'action. A la
crispation d'une brève pulsion génitale, on préfère, un peu feignant, se
laisser envahir par un doux relâchement de tout le corps. A deux, ces siestes
amoureuses peuvent durer des heures. Et ce sont les meilleures. Je sors de la
séance avec deux certitudes : la voie tantrique peut nous permettre à tout
moment de recréer cet éden estival du corps et de l'esprit, et l'éjaculation
peut attendre. Elle peut même ne plus être un but. Trente ans de convictions
priapiques viennent de s'effondrer, et je n'ai même pas mal